La Chine a récemment franchi une étape audacieuse dans la course à l’innovation technologique spatiale en lançant les premiers éléments d’un projet ambitieux : la construction d’un super-ordinateur en orbite terrestre. Baptisée « Three-Body Computing Constellation », cette initiative vise à créer un réseau de satellites interconnectés fonctionnant comme un super-calculateur spatial, capable de traiter des données en temps réel directement dans l’espace.
Ce projet, porté par des collaborations entre des entités comme ADA Space, Zhejiang Lab et Neijang High-Tech Zone, positionne la Chine comme un acteur majeur dans l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) et du calcul haute performance dans le domaine spatial. Cet article explore en détail ce projet révolutionnaire, ses objectifs, ses technologies, ses implications et les défis qu’il soulève.
Contexte et origines du projet
Le programme spatial chinois a connu une ascension fulgurante au cours des dernières décennies. Depuis le lancement de son premier satellite, Dong Fang Hong 1, en 1970, la Chine a multiplié les exploits, devenant la troisième nation à envoyer des astronautes dans l’espace en 2003 avec le programme Shenzhou, posant un rover sur la face cachée de la Lune en 2019, et complétant son système de navigation Beidou en 2020, rival du GPS américain. Aujourd’hui, la Chine se tourne vers une nouvelle frontière : le calcul en orbite.
Le projet « Star Compute », initié par la startup ADA Space basée à Chengdu, en collaboration avec Zhejiang Lab et la zone high-tech de Neijang, ambitionne de déployer une constellation de 2 800 satellites pour former un superordinateur spatial. Le 14 mai 2025, une fusée Longue Marche 2D a décollé avec succès depuis la base de lancement de Jiuquan, en Mongolie-Intérieure, transportant les 12 premiers satellites de cette constellation. Ce lancement marque le début d’une révolution dans le traitement des données spatiales, avec des implications profondes pour la science, l’industrie et la géopolitique.
Objectifs du super-ordinateur spatial
L’objectif principal de la « Three-Body Computing Constellation » est de surmonter les limites des méthodes traditionnelles de traitement des données satellitaires, qui nécessitent des transmissions fréquentes et coûteuses vers la Terre. En traitant les données directement en orbite, ce réseau vise à :
- Réduire la latence : L’analyse en temps réel des données collectées par les satellites élimine les délais liés à l’envoi d’informations vers des stations terrestres.
- Améliorer l’efficacité : Les satellites, équipés de modèles d’IA embarqués de 8 milliards de paramètres, peuvent traiter de manière autonome des volumes massifs de données, minimisant la dépendance aux infrastructures terrestres.
- Soutenir des applications avancées : Ce superordinateur orbital pourrait révolutionner des domaines comme la surveillance des ressources naturelles, la météorologie, la gestion des catastrophes, l’exploration spatiale autonome et le développement de l’IA.
- Renforcer l’autonomie stratégique : En réduisant la dépendance aux centres de données terrestres, la Chine limite les risques liés à la cybersécurité et à la congestion des réseaux, un atout crucial dans un contexte de rivalité technologique avec les États-Unis.
Selon le quotidien chinois Science and Technology Daily, ce projet positionne la Chine en tête de la construction d’une infrastructure informatique spatiale mondiale, un domaine où elle concurrence directement des initiatives comme Starlink de SpaceX.
Technologie et fonctionnement
La « Three-Body Computing Constellation » repose sur des technologies de pointe :
- Puissance de calcul : Les 12 premiers satellites offrent une capacité combinée de 5 millions de milliards d’opérations par seconde (5 péta-opérations par seconde, ou POPS), avec un objectif à long terme de 1 000 POPS pour l’ensemble du réseau.
- Intelligence artificielle : Chaque satellite intègre un modèle d’IA de 8 milliards de paramètres, permettant un traitement autonome des données. Cette capacité est essentielle pour des applications nécessitant des réponses rapides, comme l’analyse d’images satellitaires en temps réel.
- Communication inter-satellites : Les satellites communiquent entre eux via des liaisons laser à 100 Gbps, assurant une coordination fluide et un partage efficace des données.
- Stockage embarqué : La constellation dispose d’une capacité de stockage de 30 téraoctets, permettant de gérer de grandes quantités de données directement en orbite.
- Énergie et dissipation thermique : Les satellites exploitent l’énergie solaire et dissipent la chaleur dans l’espace, réduisant leur consommation énergétique et leur empreinte carbone par rapport aux centres de données terrestres.
Ce réseau, développé par Guoxing Aerospace Corporation sous l’égide de la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC), représente une avancée majeure dans l’intégration de l’IA et du calcul haute performance dans l’espace.

Implications scientifiques et industrielles
La construction d’un superordinateur en orbite ouvre des perspectives inédites :
- Observation de la Terre : Le traitement en temps réel des données satellitaires pourrait améliorer la surveillance des ressources naturelles, la modélisation climatique et la prédiction des catastrophes naturelles.
- Exploration spatiale : Des capacités de calcul autonomes en orbite pourraient soutenir des missions d’exploration planétaire, en analysant des données astronomiques sans dépendre de la Terre.
- Intelligence artificielle : En reliant les technologies terrestres et spatiales, ce projet pourrait accélérer le développement de modèles d’IA plus performants, avec des applications dans la communication, la navigation et la sécurité.
- Éducation et recherche : Plus de 60 universités à travers le monde ont déjà intégré des technologies similaires dans leurs programmes, préparant une nouvelle génération de professionnels à maîtriser le calcul spatial.
Jonathan McDowell, astrophysicien à l’université Harvard, a salué cette initiative, notant que les centres de données orbitaux offrent des avantages uniques en termes d’efficacité énergétique et de réduction de l’empreinte carbone.
Défis technologiques et géopolitiques
Construire un super-ordinateur en orbite n’est pas sans défis :
- Technologie : La gestion de la puissance, la dissipation thermique, la résistance aux conditions extrêmes de l’espace et la communication inter-satellites exigent des innovations complexes. La Chine investit massivement dans la recherche pour surmonter ces obstacles.
- Coût : Le déploiement de 2 800 satellites représente un investissement colossal, bien que les coûts exacts n’aient pas été divulgués.
- Rivalité géopolitique : Ce projet s’inscrit dans une course technologique intense avec les États-Unis, où des initiatives comme Starlink de SpaceX (plus de 6 750 satellites en orbite, avec un objectif de 30 000) dominent actuellement. La Chine cherche à affirmer son autonomie technologique face aux sanctions américaines, qui limitent l’accès aux services de cloud comme ceux d’Amazon, Microsoft et Google.
- Sécurité : En traitant les données en orbite, la Chine réduit les risques de cybersécurité liés aux transmissions terrestres, mais le projet soulève des questions sur la protection des données sensibles dans un contexte de tensions internationales.
Comparaison avec d’autres initiatives
Bien que la « Three-Body Computing Constellation » soit inédite, elle n’est pas sans concurrent. La constellation Starlink de SpaceX, axée sur la connectivité Internet, illustre l’ambition des infrastructures spatiales à grande échelle. Cependant, le projet chinois se distingue par son focus sur le calcul haute performance et l’IA, plutôt que sur les communications. De plus, les États-Unis ont exprimé des préoccupations, avec des responsables comme Gina Raimondo, Secrétaire au Commerce, envisageant de restreindre l’accès des entreprises chinoises aux services de cloud pour l’entraînement de modèles d’IA.

Perspectives d’avenir
La Chine prévoit d’étendre sa constellation à 2 800 satellites, renforçant sa position de leader dans le domaine spatial et technologique. Ce projet pourrait redéfinir les équilibres géopolitiques, en offrant à la Chine une autonomie stratégique et une influence technologique accrue. À long terme, le superordinateur orbital pourrait transformer notre manière d’explorer l’univers, de modéliser le climat et de développer des technologies basées sur l’IA. Comme l’a noté le quotidien Science and Technology Daily, cette initiative marque une étape décisive vers une infrastructure informatique spatiale mondiale.
Le projet de super-ordinateur spatial de la Chine, incarné par la « Three-Body Computing Constellation », représente une avancée révolutionnaire dans l’intégration du calcul haute performance et de l’intelligence artificielle dans l’espace. En lançant les 12 premiers satellites le 14 mai 2025, la Chine a posé les bases d’un réseau orbital qui pourrait transformer la science, l’industrie et la géopolitique. Malgré les défis technologiques et les tensions internationales, ce projet illustre l’ambition de la Chine de redéfinir les frontières de la technologie spatiale. L’histoire retiendra peut-être cette initiative comme un tournant majeur vers une nouvelle ère d’exploration et d’innovation.
Sources
- Web :
- GNT, « L’assemblage d’un superordinateur chinois spatial commence », 19 mai 2025. https://www.generation-nt.com/actualites/superordinateur-espace-orbite-chine-2058159
- Wikipédia, « Programme spatial de la Chine », 30 octobre 2005. https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_spatial_de_la_Chine
- Wikipédia, « Chinese space program », 30 octobre 2005. https://en.wikipedia.org/wiki/Chinese_space_program
- Matbe.com, « La Chine lance l’assemblage d’un super-ordinateur spatial révolutionnaire », 19 mai 2025. https://www.matbe.com/actualites/la-chine-lance-lassemblage-dun-superordinateur-spatial-revolutionnaire
- KultureGeek, « La Chine commence à construire son super-ordinateur orbital », 19 mai 2025. https://kulturegeek.fr/news-292345/chine-commence-construire-superordinateur-orbital
- Daily Geek Show, « La Chine lance la construction d’un vaste réseau de super-ordinateurs dans l’espace », 20 mai 2025. https://dailygeekshow.com/chine-superordinateur-espace
- Dose Quotidienne, « La Chine déploie 12 satellites pour construire le premier super-ordinateur spatial au monde », 25 mai 2025. https://dosequotidienne.ca/2025/05/25/la-chine-deploie-12-satellites-pour-construire-le-premier-superordinateur-spatial-au-monde/
- Posts sur X :
- @wmhuo168, 19 mai 2025. https://x.com/wmhuo168/status/1924265150070047200
- @thinking_panda, 27 mai 2025. https://x.com/thinking_panda/status/1927312001069396215
- @IndianInfoGuid, 26 mai 2025. https://x.com/IndianInfoGuid/status/1926985286182990321