Dans un monde où les cryptomonnaies comme le Bitcoin suscitent autant d’enthousiasme que de scepticisme, Katie Haun se démarque comme une fervente défenseure des stablecoins, ces monnaies numériques arrimées à des actifs stables comme le dollar américain. Ancienne procureure fédérale devenue investisseuse en cryptomonnaies, Haun a su anticiper le potentiel des stablecoins dès 2018, à une époque où beaucoup les considéraient comme une simple curiosité. Aujourd’hui, avec un marché représentant 250 milliards de dollars et des volumes de transactions dépassant ceux de Visa, sa vision semble plus pertinente que jamais.
Une pionnière au parcours atypique
Le parcours de Katie Haun est loin d’être conventionnel. Avant de devenir une figure incontournable du monde des cryptomonnaies, elle a passé plus de dix ans à enquêter sur des crimes financiers en tant que procureure fédérale. Elle a notamment créé la première task force gouvernementale dédiée aux cryptomonnaies, une expérience qui lui a donné une compréhension unique des risques et des opportunités de cet écosystème. En 2018, lors d’un débat à Mexico face à l’économiste Paul Krugman, lauréat du prix Nobel, Haun a défendu les stablecoins comme une solution pour contrer la volatilité des cryptomonnaies traditionnelles. « Les stablecoins sont essentiels pour protéger contre cette volatilité », a-t-elle argumenté, une idée que Krugman a balayée d’un revers de main.
Ce moment, bien que symbolique, illustre la capacité de Haun à voir au-delà des tendances immédiates. Après avoir rejoint Andreessen Horowitz en tant que première femme partenaire générale, elle a cofondé un fonds de 350 millions de dollars dédié aux cryptomonnaies. En 2022, elle a lancé Haun Ventures, une firme de capital-risque qui mise gros sur les stablecoins, avec des investissements dans des entreprises comme Bridge, rachetée par Stripe pour une valorisation impressionnante.
Pourquoi les stablecoins changent la donne
Contrairement au Bitcoin ou à l’Ethereum, dont les valeurs fluctuent fortement, les stablecoins comme USDC de Circle ou USDT de Tether sont conçus pour maintenir une parité fixe de 1:1 avec le dollar américain. Cette stabilité en fait une représentation numérique fiable de la monnaie traditionnelle, capable de circuler sur les réseaux blockchain. Leur impact est déjà mesurable : en 2024, le volume des transactions en stablecoins a dépassé celui de Visa, et ils représentent le 14e plus grand détenteur d’obligations du Trésor américain au monde.
Pour Haun, les stablecoins ne se contentent pas d’offrir une alternative aux cryptomonnaies volatiles. Ils répondent à un besoin réel dans des pays où les monnaies locales sont instables ou l’accès aux services bancaires limité. « En Turquie, les gens ne considèrent pas Tether comme une cryptomonnaie, mais comme de l’argent », a-t-elle expliqué lors d’un événement TechCrunch en juin 2025. Cette accessibilité instantanée à une valeur stable, transférable à l’échelle mondiale pour quelques centimes, pourrait transformer les systèmes financiers, notamment dans les économies émergentes.
Les grandes entreprises commencent également à s’intéresser aux stablecoins. Des géants comme Walmart et Amazon explorent leur utilisation pour réduire les coûts de transaction, tandis que Circle garantit que son USDC est entièrement adossé à des dollars détenus dans des comptes JPMorgan et audités par des cabinets comme Deloitte. Cette transparence renforce la confiance dans un secteur souvent critiqué pour son opacité.
Un cadre réglementaire en débat
L’essor des stablecoins s’accompagne d’un besoin urgent de régulation. Le GENIUS Act, une proposition de loi aux États-Unis, vise à établir un cadre fédéral pour les stablecoins, en définissant des règles claires sur leur émission et leur gestion. Haun soutient largement ce projet, estimant qu’un cadre réglementaire clair favorisera l’innovation tout en protégeant les consommateurs. « S’il y avait eu des règles claires, nous aurions un cadre pour distinguer ce qui est une valeur mobilière, une marchandise, et quelles sont les protections pour les consommateurs », a-t-elle déclaré.
Cependant, le projet de loi n’est pas sans controverses. La sénatrice Elizabeth Warren, membre influente du Comité bancaire du Sénat, a qualifié le texte de « superautoroute pour la corruption de Donald Trump », pointant du doigt une lacune : bien qu’il interdise aux membres du Congrès et aux hauts fonctionnaires d’émettre des stablecoins, il ne dit rien sur leurs proches. Haun, tout en défendant la nécessité de régulation, a exprimé une réserve sur l’interdiction des stablecoins à rendement (yield-bearing stablecoins). Elle argue que les consommateurs devraient pouvoir bénéficier des intérêts générés par les réserves, à l’image des comptes d’épargne traditionnels.
Une vision pour l’avenir des dollars numériques
Pour Katie Haun, les stablecoins ne sont qu’un premier pas vers une transformation plus profonde du système financier. Elle imagine un monde où tous types d’actifs – des fonds monétaires à l’immobilier – seraient tokenisés, rendant les investissements accessibles à tous, 24/7, et réduisant les barrières à l’entrée. « Ce n’est pas juste une nouvelle technologie, c’est un changement fondamental dans la manière dont l’argent fonctionne et comment nous y accédons », souligne-t-elle.
Cette vision, bien que prometteuse, devra surmonter des défis techniques et éthiques. La sécurité des réserves, la transparence des audits et la protection contre les abus restent des préoccupations majeures. De plus, l’adoption massive des stablecoins pourrait bousculer les systèmes bancaires traditionnels, obligeant les régulateurs à trouver un équilibre entre innovation et stabilité financière.
L’engagement de Katie Haun pour les stablecoins illustre une conviction profonde : les dollars numériques ont le potentiel de démocratiser la finance et de redéfinir les échanges mondiaux. En combinant son expertise juridique à une vision audacieuse, elle se positionne comme une actrice clé de cette révolution.
