Cluely : l’IA au service de la triche universelle

Cluely lève 15 millions de dollars : l’IA au service de la triche universelle

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Cluely : l’IA au service de la triche universelle

Dans un monde où l’intelligence artificielle redéfinit les limites de l’éthique et de la technologie, la startup Cluely fait parler d’elle. Fondée en 2025 par deux anciens étudiants de Columbia, Roy Lee et Neel Shanmugam, Cluely promet d’aider ses utilisateurs à “tricher sur tout” : entretiens d’embauche, examens, appels commerciaux, et même, selon leurs campagnes provocatrices, des rendez-vous amoureux. Avec une levée de fonds de 15 millions de dollars menée par Andreessen Horowitz (a16z), annoncée le 20 juin 2025, Cluely atteint une valorisation estimée à 120 millions de dollars.


Cluely : une IA pour “tricher sur tout”

Cluely repose sur une idée audacieuse : utiliser l’IA pour fournir des réponses en temps réel dans des situations critiques. Son produit phare, un outil initialement nommé Interview Coder, permet aux utilisateurs de recevoir des suggestions via une fenêtre de navigateur indétectable, invisible pour les examinateurs ou les recruteurs. Développé après que ses fondateurs ont été suspendus de Columbia pour avoir créé un outil similaire, Cluely a élargi son champ d’action pour inclure des scénarios variés, des entretiens techniques aux examens universitaires.

La startup a rapidement gagné en notoriété grâce à des campagnes marketing provocatrices. Une vidéo virale, publiée en avril 2025, montrait Roy Lee utilisant Cluely pour mentir sur son âge et ses connaissances artistiques lors d’un rendez-vous galant. Si la vidéo a suscité des critiques, comparée à un épisode dystopique de Black Mirror, elle a aussi attiré l’attention, propulsant Cluely à 70 000 utilisateurs en quelques mois. Selon Roy Lee, l’application aurait généré un chiffre d’affaires annuel récurrent (ARR) de 3 millions de dollars dès avril 2025.


Une levée de fonds fulgurante

Moins de deux mois après une levée de fonds initiale de 5,3 millions de dollars auprès d’Abstract Ventures et Susa Ventures, Cluely a sécurisé 15 millions supplémentaires en Série A, menée par a16z. Bryan Kim, partenaire chez a16z, a salué la “vision audacieuse” de Roy Lee, soulignant sa capacité à “repenser ce qui est possible”. Cette injection de capital vise à intensifier les efforts marketing, avec un objectif ambitieux : atteindre 1 milliard de vues sur toutes les plateformes.

Cependant, cette levée de fonds n’est pas sans controverse. Sur X, des utilisateurs expriment leur consternation, certains qualifiant Cluely de “grift” ou déplorant une “régression éthique” dans l’usage de l’IA. D’autres, comme un commentateur sur Reddit, ironisent sur l’inefficacité de l’outil dans des contextes réels, tout en critiquant son modèle commercial.


Les implications éthiques de Cluely

L’approche de Cluely soulève des questions éthiques majeures. En facilitant la triche, la startup remet en question l’intégrité des processus d’évaluation, qu’il s’agisse d’examens académiques ou d’entretiens professionnels. Des startups concurrentes, comme Validia et Proctaroo, ont déjà réagi en lançant des outils pour détecter l’usage de Cluely. Validia, par exemple, propose Truely, un logiciel qui déclenche une alarme si Cluely est actif, tandis que Proctaroo affirme pouvoir identifier les processus cachés de l’application.

Roy Lee balaie ces contre-mesures, comparant les efforts anti-triche à des tentatives vaines dans l’industrie du jeu vidéo. Il envisage même de développer des produits matériels, comme des lunettes intelligentes ou des puces cérébrales, pour contourner les logiciels de détection. Cette ambition, bien que technologiquement ambitieuse, rappelle les échecs de projets comme l’AI Pin de Humane, soulignant les défis d’une telle transition.


Une stratégie marketing à double tranchant

Cluely doit une grande partie de sa visibilité à la présence médiatique de Roy Lee. Avec plus de 100 000 abonnés sur X, il utilise des vidéos satiriques et des posts provocateurs pour attirer l’attention. Un exemple marquant est l’organisation d’une fête géante à San Francisco, en marge de l’AI Startup School de Y Combinator. Annoncée sur X, la fête a attiré environ 2 000 personnes, mais a été interrompue par la police, renforçant l’image de Cluely comme une entreprise audacieuse, mais controversée.

Cependant, cette stratégie a un coût. Sous la pression, Cluely a retiré les références explicites à la triche sur les examens et entretiens de son site web, se repositionnant sur des cas d’usage moins controversés, comme les appels commerciaux. Roy Lee affirme vouloir cibler “les marchés les plus impactants”, mais cette réorientation pourrait refléter une tentative de légitimer un modèle d’affaires initialement basé sur la provocation.


Vers un avenir incertain

L’ascension fulgurante de Cluely illustre les tensions entre innovation et éthique dans l’écosystème de l’IA. Si la startup parvient à surmonter les critiques et à prouver la viabilité de son modèle, elle pourrait redéfinir la manière dont l’IA est intégrée dans les interactions professionnelles et académiques. Toutefois, les obstacles sont nombreux : concurrence accrue, régulations potentielles et scepticisme public.

Pour l’industrie, Cluely est un signal d’alarme. Les outils d’IA, s’ils sont mal régulés, peuvent amplifier la fraude à une échelle sans précédent. Les institutions éducatives et les entreprises devront investir dans des technologies anti-triche robustes, tout en repensant leurs méthodes d’évaluation pour minimiser les vulnérabilités.


Cluely incarne les promesses et les dérives de l’IA dans un monde hyper-connecté. Avec 15 millions de dollars en poche et une valorisation de 120 millions, la startup est à un tournant. Réussira-t-elle à transformer sa provocation en innovation durable, ou sombrera-t-elle sous le poids des critiques ?

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