Dans son livre Empire of AI: Dreams and Nightmares in Sam Altman’s OpenAI (Penguin Press, mai 2025), la journaliste d’investigation Karen Hao dévoile les dessous troublants de la course à l’intelligence artificielle. À travers 300 entretiens et des années d’enquête, elle expose comment OpenAI, sous l’égide de Sam Altman, incarne une nouvelle forme d’impérialisme technologique.
OpenAI : de l’utopie à l’empire
Fondé en 2015 comme un laboratoire à but non lucratif, OpenAI promettait initialement de développer une IA « au bénéfice de l’humanité ». Karen Hao retrace comment Sam Altman, recruté dès 2019, a progressivement transformé la structure en une entité agressive, alignée sur les intérêts économiques et géopolitiques américains.
- Stratégie de pouvoir : Altman a séduit Elon Musk en reprenant ses craintes existentialistes sur l’IA, tout en évincant progressivement les voix critiques au sein du conseil d’administration 1 7 11.
- Pivot vers le profit : En 2023, OpenAI annonce sa restructuration en public benefit corporation, lui permettant de lever des milliards tout en échappant au contrôle de son organe à but non lucratif 10.
« Altman a construit un empire en exploitant les peurs et les ambitions de Silicon Valley », explique Hao dans une interview 9.
L’affaire Altman : un coup d’État révélateur
En novembre 2023, le conseil d’administration limoge Altman, invoquant une « perte de confiance ». Son retour triomphal 72 heures plus tarde, soutenu par Microsoft et les employés, marque un tournant :
- Purge interne : Des figures clés comme Ilya Sutskever (cofondateur) et Mira Murati (CTO) quittent l’entreprise, consolidant le pouvoir d’Altman 10.
- Nouvelle gouvernance : Le conseil est remplacé par des alliés, dont l’ancien PDG de Salesforce, Bret Taylor 10.
Selon Hao, cet épisode illustre la culture du secret et la centralisation du pouvoir autour d’Altman, qualifié de « manipulateur hors pair ».
L’impact global : exploitation et extraction
Hao élargit le récit au-delà de Silicon Valley, décrivant comment OpenAI reproduit des schémas coloniaux :
Exploitation des travailleurs invisibles
- Au Kenya, des modérateurs de contenu sous-traitants gagnent 2$/heure pour nettoyer des datasets violents ou pornographiques, essentiels à l’entraînement de ChatGPT. Certains développent des troubles psychiatriques sévères 11.
- Au Venezuela, des « microtaskers » étiquettent des données sans connaître leur finalité, dans des conditions précaires 11.
Pillage des ressources naturelles
- Les data centers d’OpenAI consomment d’énormes quantités d’eau et d’énergie. Au Chili, un projet de centre de données menace les réserves en eau de communautés locales déjà frappées par la sécheresse 11.
- Une étude de l’Université de Californie estime que la pollution liée à l’IA a causé 490 décès aux États-Unis en 2023, avec des coûts sanitaires dépassant 7,6 milliards$ 4.
Hégémonie culturelle
- Le programme OpenAI for Countries, présenté comme un outil de « souveraineté numérique », impose des normes américaines à des pays comme le Nigeria ou l’Indonésie. Les données restent contrôlées depuis San Francisco 3 9.

L’impérialisme de l’IA : une critique radicale
Hao compare OpenAI aux empires coloniaux, soulignant trois mécanismes clés :
- Extraction des ressources : Données, énergie, main-d’œuvre.
- Narratif de civilisation : Promesse d’un avenir radieux grâce à l’AGI (intelligence générale artificielle), masquant les coûts humains.
- Supériorité morale : Altman se présente en gardien contre les « mauvais acteurs » (Chine, Google), justifiant une course effrénée 9 11.
« L’IA ne “bénéficie pas à l’humanité” – elle consolide le pouvoir d’une élite techno-capitaliste », assène Hao dans un entretien 9.
Les résistances : alternatives et mobilisations
Le livre met en lumière des initiatives contestataires :
- DAIR Institute : Fondé par Timnit Gebru, ex-Google, ce laboratoire promeut une IA décentralisée et éthique.
- Artistes et écrivains : Des collectifs intentent des procès contre OpenAI pour utilisation non consentie de leurs œuvres 11.
- Lanceurs d’alerte : En juin 2025, neuf employés d’OpenAI dénoncent publiquement les risques d’une AGI non contrôlée et la culture du secret 6.
Conclusion : un appel à démanteler l’empire
Pour Hao, l’urgence est de « démocratiser l’IA » en :
- Régulant les monopoles technologiques.
- Soutenant les modèles open-source et communautaires.
- Exigeant la transparence sur les données et l’énergie consommée.
Empire of AI ne se contente pas de raconter l’ascension d’OpenAI – il offre une grille de lecture essentielle pour comprendre les batailles politiques et éthiques de l’ère de l’IA.
Sources :
- CBS News, AOL.com – Extraits du livre Empire of AI
- Winssolutions – OpenAI for Countries
- Calcalistech – Impact environnemental de l’IA
- NYTimes – Témoignages de lanceurs d’alerte
- Tech Policy Press – Interview de Karen Hao
- Time – Gouvernance d’OpenAI post-2023
- Blood in the Machine – Impacts sociaux et environnementaux